Gens du pays en mer
Équipage | Publié le 15 décembre 2009
De plus en plus de Québécois travaillent à bord de paquebots. Ou occupent des postes majeurs de gestion au sein des compagnies de croisière.
Un des souvenirs en mer qui m’a le plus marqué s’est produit, il y a quelques années, au cours d’un de mes quarts de travail à bord du Navigator of the Seas, un 138 000 tonnes de la compagnie Royal Caribbean International. Il s’agissait d’une nuit tranquille au cours de laquelle le Navigator of the Seas, l’Explorer of the Seas, l’Adventure of the Seas et le Voyager of the Seas étaient à bonne distance les uns des autres dans les Caraïbes. Mais nous pouvions communiquer par radio VHF (Very High Frequency). Or, cette nuit-là, l’officier de navigation à bord de chacun de ces navires – qui comptaient parmi les quatre plus gros au monde à l’époque –, était un Québécois. Ce fut un plaisir de communiquer avec des compatriotes dans pareilles circonstances.
Cette anecdote illustre le fait que de plus en plus de Québécois se retrouvent aux commandes de navires de croisière. Beaucoup aussi travaillent dans d’autres départements, comme la machine ou l’hôtellerie .D’autres Québécois travaillent comme gestionnaire à terre.
C’est le cas de Christian Langlois, un promoteur comme moi des carrières maritimes, qui agit à titre de directeur du recrutement et du placement pour le département de la salle des machines chez Royal Caribbean International. Cette compagnie, qui compte environ 50 000 employés, engage chaque année des dizaines de Canadiens pour faire partie des équipages de sa flotte qui compte aujourd’hui 21 navires. Elle engage les meilleurs officiers, peu importe leur nationalité. Quiconque peut gravir les échelons grâce à ses compétences et non pas à cause de l’origine de son passeport.
Après avoir obtenu son diplôme de l’Institut Maritime du Québec à Rimouski en 1991, Christian Langlois a travaillé à bord de différents navires de Royal Caribbean International durant 10a ns, jusqu’en 2001. Depuis son bureau à Miami, en Floride, il s’occupe aujourd’hui de centaine d’officiers mécaniciens qui veillent au bon fonctionnement et à l’opération de tous les systèmes mécaniques des navires.
Par exemple, deux jeunes officiers mécaniciens québécois, François Cantin et Martin Lavoie, occupent des postes d’importance à bord de l’Oasis of the Seas, qui est le nouveau plus gros navire de croisière au monde avec ses 220 000 tonnes de jauge brute. Faire partie du premier équipage de ce géant des mers est à la fois un grand honneur et une magnifique marque de confiance.
Diplômé de l’Institut maritime du Québec en 1997, François Cantin travaille chez Royal Caribbean depuis 2004. Il porte le titre de 1er mécanicien, un poste névralgique puisqu’il est en charge du bon maintien journalier des énormes moteurs du navire. François Cantin, qui souhaite un jour devenir chef mécanicien, apprécie tout particulièrement l’environnement international dans lequel il travaille, qui peut compter jusqu’à une soixantaine de nationalités. Il remarque que les officiers mécaniciens canadiens sont très appréciés parce qu’ils connaissent bien toutes les facettes de l’emploi de leurs subordonnés et qu’ils n’hésitent pas à effectuer eux-mêmes leurs tâches, histoire de montrer l’exemple!
Martin Leduc a, quant à lui, débuté sa carrière au sein de la compagnie Disney Cruise Line en 2003, puis il a rejoint les rangs de Royal Caribbean International l’année suivante. Il a notamment oeuvré à bord du Vision of the Seas alors qu’environ la moitié des officiers supérieurs provenait du Canada. Selon lui, les Canadiens ont en général un bon niveau d’éducation, un grand sens de l’aventure, une attitude positive et une ouverture face à la diversité.
Les compagnies de croisières tentent de conserver les officiers hautement qualifiés en augmentant les salaires et en réduisant les périodes de travail en mer, qui durent généralement de deux à quatre mois consécutifs.
Du côté du pont, on compte encore davantage de Québécois. Toujours chez Royal Caribbean International, 25 officiers de navigation sur un total de 200 sont des Canadiens, dont plusieurs Québécois. La compagnie compte en outre deux capitaines canadiens et une dizaine d’officiers de chez nous sont en attente d’une promotion qui leur permettrait d’atteindre le plus haut grade à bord d’un navire.
Selon Frank Nilsen, directeur du placement et du recrutement pour les officiers de navigation de Royal Caribbean International, l’avenir s’annonce très prometteur pour les Québécois dans l’industrie des croisières. Parlez-en à Jean-Maxime Chenard, un autre diplômé de l’Institut Maritime du Québec, de la promotion 2003, qui a été nommé 1er officier de pont à bord du Radiance of the Seas. Durant ses quarts de travail, il s’occupe principalement de la navigation sécuritaire du navire. En plus de ses tâches à la passerelle, il doit s’assurer avec d’autres officiers du bon maintien des équipements de navigation et participer éventuellement à la lutte contre l’incendie. En cas d’urgence à bord, il occupe un poste majeur au sein d’une des équipes chargées de la sécurité du navire et de ses passagers. Jean-Maxime Chenard croit que grâce à la formation rigoureuse qu’ils ont reçue, les officiers québécois sont bien vu car ils prennent leur travail très au sérieux, sont à l’aise avec l’utilisation de systèmes complexes de gestion, aident à créer une ambiancede travail détendue, ont une faible tolérance à l’incertitude et affichent un franc-parler qui facilite la gestion de situations difficiles. Ce n’est pas tout. Quelque 250 membres d’équipage de Royal Caribbean International encadrent et divertissent les moins de 18 ans qui, en période de pointe, peuvent représenter le quart des passagers. Pas moins de 20 % d’entre eux sont canadiens, et 35 % des postes de direction du département jeunesse sont occupés par des gens du pays et de la province.
Un autre bel exemple de réussite au sein de l’industrie des croisières est le parcours de la montréalaise Michelle McGregor. En 15 ans à bord de différents navires de croisière, elle a occupé de nombreux postes dans le département hôtelier à la division des services aux passagers. Depuis deux ans, elle gère l’île privée de Royal Caribbean International aux Bahamas, CocoCay. L’île fait partie de l’itinéraire de plusieurs navires de la compagnie qui s’y arrêtent le temps d’une journée. L’île peut accueillir jusqu’à 4 500 passagers en même temps. Inutile de dire que Michelle McGregor est fort occupée pendant les deux périodes de trois mois qu’elle passe chaque année sur «son» île. Elle a souvent eu l’occasion de constater que les Canadiens sont des employés fort prisés dans le département hôtelier, car ils sont imprégnés de la culture américaine dont fait partie la grande majorité de la clientèle des navires de croisière.
Lors de vos prochaines rencontres à bord d’un navire de croisière, portez attention au pays d’origine des membres d’équipage. Vous rencontrerez certainement des Canadiens et des Québécois!